Quand vous repensez à vos années à InfoCancer, quel est votre souvenir le plus mémorable ?
Irma Boving : Sur le forum, j’ai accompagné pendant plusieurs mois une femme célibataire enceinte en empruntant un pseudonyme. Elle craignait d’avoir un cancer du côlon et de ne pas voir naître son enfant. J’ai pris ses peurs au sérieux, même si ses soupçons n’étaient pas fondés du point de vue médical. Après l’accouchement, elle m’a remerciée et elle m’a dit que sa fille et elle se portaient bien. Elle avait donné mon pseudonyme à la petite. Cela m’a beaucoup touchée.
Et votre expérience la plus triste ?
J’ai trouvé particulièrement difficile d’accompagner de jeunes malades incurables, comme ce jeune homme infecté par le VIH et atteint d’un lymphome. À chaque appel, j’ai constaté que ses forces baissaient et que son désespoir grandissait ; il tenait encore énormément à la vie et à son amour. Il n’a pas survécu à la maladie.
Il y a aussi eu ce coup de téléphone d’un père de deux enfants en bas âge, complètement désemparé : sa femme venait d’apprendre qu’elle avait une tumeur cérébrale à un stade très avancé. Elle est décédée quelques jours après le premier entretien. En voyant son nom, je me suis rendu compte que j’avais travaillé avec elle par le passé.
Malgré tous ces moments difficiles, y a-t-il eu des situations qui vous ont fait sourire ?
Un jour, un homme nous a appelés pour nous dire que les femmes n’avaient jamais de cancer de la prostate parce qu’elles font pipi assises. Du coup, il avait décidé de toujours uriner assis pour se protéger de ce cancer ! Une femme, elle, avait lu que les médicaments de chimiothérapie sont tirés de l’if ; elle proposait que la Ligue contre le cancer vienne abattre et récupérer son arbre.
Quel événement vous a le plus marquée ?
Mon mari a eu un cancer du rein qui l’a emporté en quelques mois. Cette expérience et le fait de voir mourir un être cher ont eu une profonde influence sur mon travail à InfoCancer, ma façon d’écouter et de comprendre différentes émotions avec leurs hauts et leurs bas. Tout à coup, je me retrouvais de l’autre côté du téléphone.
Interview : Pia Schüpbach, photos : ldd