Catherine Abbühl, vous avez dirigé le service stop-tabac pendant de longues années et bien que retraitée, vous intervenez encore comme conseillère. Quelle est votre expérience personnelle du tabagisme ?
Catherine Abbühl : Ma grand-mère m’a toujours dit : ne commence jamais à fumer si tu ne veux pas cracher tes poumons. Je ne voulais pas risquer cela. On peut apporter une aide au sevrage tabagique même si on n’a jamais fumé soi-même. Il existe une foule d’études scientifiques sur le sujet. Nous avons également profité de l’expérience d’autres pays qui ont mis en place des «quitlines» (lignes téléphoniques de soutien à l’arrêt du tabac) avant nous. L’efficacité des conseils par téléphone est largement attestée.
Quand on compose le numéro 0848 000 181, qui figure sur les paquets de cigarettes, on tombe sur stop-tabac. En quoi un soutien individuel est-il utile pour arrêter ?
Sans aide, 3 à 5 % des fumeurs et fumeuses réussissent à arrêter. Avec un accompagnement, ce chiffre grimpe à 33 % selon une évaluation externe. Nous aidons les personnes qui souhaitent s’affranchir du tabac à comprendre ce qui passe exactement sur le plan physique et psychique et pourquoi elles nourrissent certaines craintes. Grâce à notre formation en thérapie comportementale et cognitive, nous pouvons leur montrer comment changer et, surtout, leur redonner courage et espoir en cas de rechute.
Vos trois conseils principaux pour arrêter de fumer ?
- Ne pas se lancer tête baissée, mais s’observer très précisément pour connaître ses automatismes personnels.
- Si nécessaire, recourir aux substituts nicotiniques (gommes à mâcher, comprimés à sucer). Ces produits diminuent les symptômes de manque ; ils n’engendrent pas de dépendance.
- Arrêter d’un coup, même si cela peut faire peur. Les choses iront plus vite. Mieux vaut jeter tout de suite son attirail de fumeur, comme le paquet entamé ou le cendrier.
Y a-t-il une réussite qui vous a marquée ?
Arrêter de fumer est particulièrement difficile pour les personnes qui souffrent de problèmes psychiques, car elles utilisent la nicotine pour réguler leur humeur. J’ai accompagné une fois une femme dépressive. Après de nombreux entretiens, elle a réussi à franchir le pas. Puis elle a été impliquée dans un accident de voiture, sans qu’elle soit fautive — une situation typiquement associée à un risque de rechute. Mais elle a tenu bon. Elle m’a dit qu’elle était restée très calme. Cela m’a fait un immense plaisir.
Quel est le plus grand changement enregistré ces dernières années ?
Entre 2002 et 2022, le taux de fumeurs quotidiens a chuté de 30 % à 20 % environ chez les adultes. Le recul est encore plus marqué chez les jeunes. En revanche, de nouveaux produits nicotiniques ont fait leur apparition sur le marché comme le snus, les sachets de nicotine (pouches) et les vaporettes (cigarettes électroniques). Si ces produits paraissent plus inoffensifs, ils ne sont pas sans danger, notamment en cas d’usage prolongé et chez les jeunes. Dans ce domaine, de vastes efforts de sensibilisation et des informations claires dispensées par un service spécialisé sont indispensables. Stop-tabac ne risque hélas pas d’être à court de travail.
Propos recueillis par Pia Schüpbach, photo: Sophie Frei