De la politique nationale : Initiative populaire « Enfants sans tabac » mise en œuvre

La loi sur les produits du tabac a été débattue jusqu'au bout - un produit de compromis - note : 4,5. Pas un bon bulletin pour notre démocratie directe mais un grand succès pour les organisations de prévention, auquel la Ligue contre le cancer a largement contribué. 

Avant la votation populaire, nous avions déjà obtenu, par le biais de la loi sur les produits du tabac de 2021, l'interdiction de la publicité par affichage, des spots publicitaires au cinéma, du parrainage d'événements internationaux, mais aussi de la distribution d'échantillons gratuits. Désormais, la publicité pour le tabac sera également interdite dans la plupart des articles de presse, sur Internet, dans les points de vente et, de manière générale, dans l'espace public. La promotion des ventes est également soumise à des règles strictes. La réglementation est plus souple en matière de parrainage d'événements nationaux. D'ailleurs, même le conseiller fédéral Berset a reconnu lors du débat que cette version était acceptable. La seule véritable ombre au tableau reste l'exception pour les cigares et les cigarillos, qui bénéficient d'un traitement spécial - la Lex Villiger.  

Prenons le temps d'une rétrospective qui montre de manière impressionnante que la loi est désormais nettement plus stricte : 

Exceptions à l'interdiction :

• A) publicité dans certains médias imprimés
• B) personnel de vente mobile dans l'espace public, s'il est "garanti" que les mineurs ne voient pas cette publicité
• C) promotion des ventes de cigares et cigarillos
• D) mesures "appropriées" empêchant la visibilité du parrainage pour les mineurs

Le 4 juin 2025 a marqué la fin d'un grand projet politique lancé il y a plus de dix ans. A l'époque, les produits du tabac étaient encore régis par la loi sur les denrées alimentaires, comme s'il s'agissait d'un produit normal, au même titre que le chocolat, les cervelas et le pain. La pression politique a été forte et un premier projet de loi a été rejeté avec pour consigne : pas de restrictions publicitaires. En réaction, une grande alliance d'organisations de santé s'est formée et a développé une initiative comme contre-projet - pour faire pression sur le Parlement. La Ligue contre le cancer a joué un rôle important dans sa création. Nous pouvons même affirmer de manière fiable que l'idée "Enfants sans tabac" est venue de la Ligue contre le cancer.  

La récolte de signatures est un travail de titan mais la large alliance a réussi à le faire et a déposé l'initiative en décembre 2019. Parallèlement, l'initiative a été utilisée comme moyen de pression dans le cadre du processus parlementaire. Les médias ont parlé d'un cas d'école de lobbying et de contre-lobbying et, par moments, il semblait que l'existence de l'initiative suffirait à marquer la loi sur les produits du tabac dans notre sens. 

Pratiquement en même temps que le dépôt de l'initiative populaire, un nouveau parlement a été élu. Alors que le Conseil national a quelque peu basculé en notre faveur, les majorités au Conseil des États se sont détériorées. De nouvelles majorités et un déplacement de l'attention du public ont affaibli notre position, qui était entre-temps prometteuse. Il s'avère que la loi sur les produits du tabac ne suffira pas.

Et c'est ainsi qu'au printemps 2021, les travaux ont commencé pour que l'initiative populaire soit effectivement soumise aux urnes - à titre préventif et dans l'espoir que cet engagement ne soit pas nécessaire. Un espoir qui s'est effondré le 14 juin, lorsque l'ambiance au Conseil des Etats a basculé. A tel point qu'il a même été question de ne pas appliquer aux nouveaux produits du tabac la protection contre le tabagisme passif dans les établissements publics comme les hôpitaux. La loi a surtout interdit les mesures publicitaires qui perdaient de toute façon de leur importance dans l'industrie : un moment difficile. Et le début d'un mouvement. 

L'été 2021 a été intense : parviendrons-nous à mettre la campagne sur pied suffisamment rapidement pour pouvoir participer à la votation dès février ? Grâce à la préparation préventive du début de l'année, nous avions une longueur d'avance sur nos concurrents et l'alliance derrière l'initiative a vigoureusement suivi. Et tandis que les analyses montraient que la Ligue contre le cancer était l'un des expéditeurs les plus crédibles auprès de la population, la Ligue a prouvé pourquoi elle avait mérité cette confiance.

Elle a proposé d'utiliser ses locaux comme centrale de campagne. Diverses personnes de la Ligue contre le cancer apportent une contribution décisive : dans l'équipe des médias, dans la collecte de fonds, dans l'équipe politique, lors de podiums, de conférences de presse et à la télévision (Arena et Infrarouge). En complément de la campagne nationale faîtière, les ligues régionales/cnatonales contre le cancer, en collaboration avec les ligues pulmonaires, forment dans chaque canton la véritable colonne vertébrale de l’initiative. Elles assurent un ancrage local essentiel, particulièrement déterminant pour la majorité des cantons. Ce travail de terrain, exigeant et minutieux, s’ajoute à l’engagement déjà considérable de ces ligues. 

Mais cela en valait la peine : le 13 février 2022, le peuple et les cantons ont accepté l'initiative populaire.  

La Suisse ne connaît pas de cour constitutionnelle et le Parlement dispose d'une grande marge de manœuvre dans la mise en œuvre des initiatives. Le travail de l'alliance derrière « Enfants sans tabac » n'était pas encore terminé, mais les réseaux entre les organisations ont été renforcés par la votation populaire. Sans le coup de projecteur qu’offre une initiative populaire, mais fort d’un nouveau texte constitutionnel, le travail parlementaire a repris. La recherche d’un compromis en coulisses est alors devenue centrale, donnant lieu à une série de manœuvres orchestrées par les opposants : financement à hauteur de plusieurs millions par le PLR et l’UDC lors des élections au Conseil national, commandes d’expertises orientées, mise en scène d’une prétendue 'affaire entre l’OFSP et le lobby anti-tabac', retards tactiques dans les débats, dénonciation de la 'non-application de l’initiative contre l’immigration de masse', ou encore introduction de formulations sans portée réelle – pour ne citer que quelques exemples. Nous avons dû apprendre à composer, sachant que même appuyés par la Constitution, un compromis restait indispensable. Le résultat : la publicité pour les produits du tabac sera à l'avenir interdite ou fortement limitée dans la plupart des canaux susceptibles d'atteindre les enfants et les jeunes. Exception : les cigarillos et les cigares. 

Moins que ce que prescrit la Constitution - plus que ce que nous voulions lors du lancement des initiatives. C'est une amélioration considérable après des années d'immobilisme en matière de prévention du tabagisme. Et cela montre que les organisations de santé peuvent battre n'importe quel adversaire lorsqu'elles s'unissent derrière une cause.